Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/277

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à faire, mais quoi ? Par mon mariage, je suis Allemande et soumise à la juridiction de ce pays qui ne va pas manquer de m’enlever la tutelle de mes enfants. Edvig est puissante, volontaire, et comme les apparences me condamnent encore, toujours je serai vaincue, expulsée du territoire national ; je n’ai pas d’argent, puisque je me suis mariée sans dot et qu’aucun contrat ne fut fait entre nous ; je n’ai pas d’amis. Les Freeman, peut-être… mais eux aussi vont être compromis, renvoyés sans doute à la suite de cette malheureuse aventure, inexplicable, hélas ! Qui donc a pu soustraire cette pièce ? Qui ? Il faut vraiment que la Providence se mêle de me défendre, de prouver mon innocence, car je ne vois aucune lumière. »

Elle descendit à la station voisine du château ; un jour blafard couronnait les bois ; aucune voiture ne stationnait à l’arrivée.

Elle prit à pied la grand’route. Une extrême lassitude la gagnait, elle dut s’arrêter dans une ferme pour y prendre un peu de lait, puis de nouveau elle marcha.

Sur la hauteur se dressaient les tourelles et le parc descendait en pente douce jusqu’à la rivière ; un mur courait autour de la propriété, séparé de temps à autre par un saut de loup.

Elle sonna à la grille, et cette cloche éveilla les échos endormis à cette heure matinale, avec une telle vibration dans le silence des choses, que Michelle eut un battement de cœur.