Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/276

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— Hélas ! tous les Français en peuvent dire autant. »

La machine sifflait, la jeune femme éveilla son fils qui s’était endormi ; elle arrangea ses bibelots, puis :

« Je vous quitte ; adieu, Madame, bon voyage ; gardez ce châle, je vous en prie. Là-bas, en arrivant, vous le donnerez à un pauvre, si vous ne voulez pas le conserver en souvenir de moi.

— Je le garderai en souvenir de vous, et merci de bon cœur, répondit Michelle, réellement touchée et la main tendue vers sa compagne de la nuit.

— Pauvre femme ! » fit l’autre.

Le train s’arrêtait, il y eut l’encombrement habituel des gares ; l’express stoppait deux minutes, il fallait se hâter. Un homme, à la tournure militaire, arpentait le quai d’arrivée ; il accourut au wagon de Michelle, saisit l’enfant et le tint dans ses bras avec une joie évidente, puis il aida sa femme à descendre. Distraite, la comtesse Hartfeld regardait sans voir. Un objet restait dans le wagon sur la banquette en face d’elle, elle reconnut la timbale de l’enfant, et, comme le train s’ébranlait, elle se pencha vite, criant :

« Madame, vous oubliez… »

Le père l’aperçut, il courut, sauta sur le marchepied, tendit la main, et une double exclamation retentit :

« Madame la comtesse !

— Minihic ! »

Il n’eut que le temps de descendre, et l’express courant à toute vitesse s’enfonça dans le lointain, pendant que dans ces deux cœurs restait une impression de regret nuancée cependant d’un peu de joie.


V


« Mon brave Minihic, se dit Michelle, comme j’aurais eu besoin à l’heure présente d’un conseil de lui, car je ne sais plus si je vois juste et droit. On me chasse, on m’enlève mes enfants, cependant j’ai quelque chose