Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ta vie, et quoi qu’on te dise, quand je ne serai plus là.

— Comment, tu pars encore ?

— Il le faut.

— Emmène-nous.

— Oh ! comme je le voudrais ! Mais je ne suis pas libre, on m’espionne. Ensuite, je suis si pauvre, je n’aurai que ce que je puis gagner pour vivre.

— Moi, je t’aiderai.

— Pauvre petit, tu es trop faible !

— Crois pas cela : j’enlève le gros haltère du gymnase.

— Je ne peux pas, je ne peux pas…

— Alors, je mourrai de chagrin. Prends-moi, mère, avec toi, dis, n’importe où ! »

Michelle sentait son cœur se briser. N’était-ce pas une loi contre nature qui la condamnait ? Une Vierge, au fond de la chambre, rayonnait derrière la mince clarté de la veilleuse.

« Mère de douleur, priez pour moi ! » gémit la pauvre femme en se levant, après avoir mis un dernier baiser sur le front de son fils qu’elle borda dans son lit.

D’un pas de somnambule, elle passa dans la chambre de Frida.

Si elle se fût retournée à ce moment, elle eût aperçu Heinrich glisser doucement hors de ses draps et, avec une rapidité silencieuse, mettre ses bas, ses vêtements, chercher dans son tiroir un mouchoir, son couteau, sa bourse, ses billes d’agate et ensuite descendre à pas de loups… Il franchit la petite porte que lui indiquait une bouffée d’air frais et il se cacha dans un massif de lauriers, l’œil sur la sortie.

« Ah ! se dit l’enfant, tu ne m’échapperas pas, je te suivrai quand même. »