Pendant cette scène muette, Michelle était allée s’agenouiller près du berceau de Frida. Le bébé dormait calme, rose et tiède, ses petits poings fermés reposaient sur le drap brodé.
Et comme la veilleuse éclairait mal, la mère prit une bougie et revint, voulant bien voir ce visage d’ange, s’en graver les traits dans les yeux. La clarté soudaine causa une agitation à Frida. À travers ses paupières closes, elle vit le rayon lumineux, elle se retourna, murmurant :
« Tante Edvig ! »
Ah ! ce nom dans le sommeil de son enfant ! Michelle s’enfuit. Sa chambre à elle était tout près, elle y possédait des choses aimées, des souvenirs, elle y entra. La petite clé de son bureau était cachée dans un tiroir, elle le prit, ouvrit le meuble. Ce qui frappa sa vue tout d’abord, ce furent quelques rouleaux d’or, le reste de la pension mensuelle que lui faisait généreusement son mari. Elle ne les toucha pas. Dans un autre tiroir, elle recueillit des lettres de sa mère, une vieille image ayant appartenu à sa grand’mère, et la livre d’heures de son père, conservé pieusement à travers les années et qui avait fait partie de son mince bagage d’enfant lorsqu’elle émigra de Paris en Bretagne. Il y avait vingt ans ! oui, vingt ans ! Que d’événements en ces années, mon Dieu ! Alors elle était une fillette de six ans, orpheline, et aujourd’hui elle était veuve, abandonnée, rejetée.