Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/304

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deur de ces exercices qu’il aimait calma peu à peu le souci de son cœur.

À quelques jours de là, toute la maison refit le trajet de Berlin. On rouvrit l’hôtel et on se réinstalla. Farouche et peu communicative, Mlle Hartfeld ne dit à personne la fuite d’Heinrich. Aux questions, elle répondit avec hauteur et nul n’osa formuler de banales consolations. L’opinion générale devina la vérité : la mère avait enlevé son fils, c’était trop naturel pour être blâmé.

Aussi Mme Freeman, qui plaignait sincèrement la pauvre comtesse, eut-elle grande joie à annoncer cette bonne nouvelle à son fils Albert, qui se faisait d’amers reproches, craignant que ce ne fût à leurs relations avec l’école d’orphelins qu’on eût fait allusion dans les journaux, quand on raconta : « La conduite honteuse de la femme d’un général qui avait des rendez-vous clandestins avec les ennemis de la patrie. » En tous cas, l’école avait été fermée, les orphelins licenciés, c’est-à-dire rejetés à la rue, et les bons Freeman les avaient placés, comme ils avaient pu, dans leur industrie malgré leur jeune âge.

Mlle Hartfeld, murée dans sa solitude, refusait de recevoir qui que ce fût ; elle se consacrait aux enfants de son frère. L’éducation de Wilhem forcément lui échappait à cause de ses études au dehors, mais celle de Frida se faisait sous ses yeux. Elle veillait avec un soin jaloux au bien-être et à la santé de ces deux enfants qu’elle avait en quelque sorte extorqués. Sombre avec tous, elle n’avait de sourires que pour eux. Ils l’aimaient, le garçon non sans arrière-pensée pénible, mais la petite fille entièrement. Du reste, elle les gâtait à plaisir, leur prodi-