Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/359

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résolution que j’ai prise ? Nous sommes en famille et je puis parler, n’est-ce pas ?

— Veux-tu, toi aussi, nous annoncer ton mariage ! exclama Edvig effarée.

— Non tante, je ne me marierai jamais. J’ai disposé autrement de mon existence.

— Tu ne me quitteras pas ?

— Très peu, tante Edvig. »

Michelle regardait anxieuse la noble physionomie de son fils. Wilhem reprit :

« Je suis parti à faux sur une route mauvaise, je n’avais pas songé qu’une lutte entre la France et l’Allemagne étant toujours possible, je ne devais pas moi, fils d’une Française, tourner une arme contre la patrie de ma mère. Or, je viens d’envoyer ma démission. »

À ces mots, de toutes les lèvres jaillit une exclamation de surprise.

« Toi ! si épris du métier des armes, toi qui, depuis l’enfance, n’as jamais formé d’autre songe. »

Wilhem sourit :

« Je change simplement d’arme, dit-il, je ne serai plus soldat de l’Allemagne, mais soldat du Christ ; au lieu d’une épée, je prends une croix. »

La stupéfaction générale était si grande, qu’aucune protestation ne s’entendit.

« Je ne quitterai pas mon pays, continua le jeune homme, je ne serai pas le disciple des grandes missions ainsi que de votre digne fils, Madame Rozel. Dieu m’a fait naître sur ce sol, j’y demeurerai ; seulement, nos campagnes sont mal desservies : les pasteurs protestants abondent, les prêtres catholiques sont rares. Je deviendrai l’apôtre militant, celui qui, de bourg en ville, porte la parole de Dieu, répand la paix dans les âmes et la consolation aux affligés. Le Christ mon modèle parcourait la Galilée, je parcourrai l’Allemagne l’évangile en main. De la sorte, conclut Wilhem, regardant son frère, nous ne serons pas en danger, Henri, de nous recontrer jamais ennemis dans une bataille.

— Seigneur ! s’écria Edvig, le fils d’Hans, un Hartfeld, prêtre catholique !