« Grand’mère, il y a beaucoup de baigneurs sur notre côte cette année ?
— Toujours de plus en plus, on bâtit des chalets superbes, les étrangers surtout abondent en ces parages, et même ils sont forts gênants pour moi.
— Pourquoi, grand’mère ?
— Parce que, désœuvrés en leur villégiature, ils ne savent à quoi employer leur temps, et mes vieilles ruines perdues sous les lichens les tentent. Je reçois sans cesse des demandes de promeneurs voulant les visiter.
— Et vous refusez ?
— Souvent. Des fois, je consens, pour que Rosalie qui les accompagne ait un petit pourboire. Elle est si peu payée, la pauvre créature.
— Alors, grand’mère, nous sommes très, très pauvres ?
— Hélas, mon enfant, si pauvres, que lorsque la petite retraite que je dois à la générosité au roi s’éteindra à ma mort, ta mère et toi serez sans ressources.
— Je travaillerai, grand’mère.
— À quoi ? Une femme en ce monde a peu de ressources.
— Mais je suis forte, je puis pêcher. »
L’aïeule haussa les épaules avec un triste sourire.