Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/40

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Au détour du chemin, elle eut un brusque arrêt, un sursaut la rejeta en arrière.

Là, debout, la regardant gravir, l’homme du matin se profilait.

Il tenait en main une petite boîte noire qu’il venait brusquement de dresser devant elle, la refermant presqu’aussitôt.

À présent, il glissait cette boîte dans le sac qu’il avait en bandoulière. Michelle n’était ni craintive, ni timide, elle passa fièrement, mais le chemin, très étroit, resserré entré deux talus de pourpier, l’obligea à effleurer le promeneur, et les branches de sa cueillette se prirent dans la courroie de la longue-vue de l’étranger, forçant ainsi la jeune sauvage à s’arrêter.

« Petite fée des bruyères, demanda l’inconnu, voulez-vous me permettre de visiter votre palais ? »

Elle secoua la tête, sans comprendre ce langage imagé, d’autant moins que celui qui parlait avait un accent étranger ; elle vit qu’il avait des yeux bleus, calmes et fiers, une physionomie énergique, éclairée en ce moment d’un sourire un peu gouailleur.

Il reprit devant le silence de l’enfant :

« Voulez-vous m’admettre à visiter votre aire, jeune aiglon, ces ruines tentent un touriste ; lui ferez-vous la grâce de le laisser les admirer de plus près ? »

Et comme toujours, Michelle demeurait sans répondre, occupée à recharger mieux son paquet bourru et piquant, il ajouta :

« Vous ne comprenez sans doute que le breton ; moi, je sais tout juste le français… »

Un bond de l’enfant, qui prenait sa course à toute jambe, arrêta la phrase commencée, elle se termina par un franc éclat de rire, tandis que le promeneur braquait de nouveau