Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/72

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brûlant dans ses mains ; une torture inouïe broya son cœur. Elle vit, dans la noblesse des actes de cet étranger un tel effondrement de sa fierté, elle se vit si clairement vendue, que malgré son inexpérience, elle comprit toute l’étrangeté de ce marché. De grosses larmes filtraient entre ses doigts.

« Je ne voulais pas vous entretenir de ces détails, reprit-il, vous y venez loyalement, je sens à quel point cela vous coûte, mais épuisons-en une fois, si vous le voulez bien, la coupe amère, pour la jeter ensuite au plus profond des vagues. Quelle autre chose encore vous préoccupe ?

— Rien, si l’avenir et la sécurité des miennes sont assurées, je serai heureuse et très libre de donner toute ma pensée à notre bienfaiteur. » Il sourit :

« Je vous demanderai encore d’admettre en votre cœur une autre affection : ma sœur Edvig. Elle est bonne et intelligente ; elle m’aime uniquement, et mon bonheur serait très altéré, si une amitié fraternelle ne liait pas intimement les deux seules femmes que j’aime au monde.

— Oh ! de tout mon cœur je l’aimerai !

— Il faudra avoir pour elle des égards et de la déférence. Elle est beaucoup plus âgée que vous. Ses conseils vous seront précieux en ce milieu, si différent du vôtre, où j’espère vous transplanter.

— Mais vous me laisserez quelquefois revenir en France, revoir mes rochers, mes deux mères, Trilby. »

La fillette reparaissait encore. Il sourit avec bonté.

« Vous ferez tout ce qui vous plaira, chère enfant, vous reviendrez voir votre chère et