Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/91

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— Évidemment. Tenez, je pense qu’une des joies du Paradis sera de voir clairement l’enchaînement des événements amenés les uns par les autres, sans influence de volonté personnelle. Nous verrons à quel rôle inconnu notre pauvre être humain a été soumis dans l’univers.

— Oh ! nous ne penserons plus guère à l’existence terrestre, je crois. Elle nous paraîtra alors si méprisable en faveur des splendeurs de l’éternité !

— Vous connaissez beaucoup ma future belle-sœur ?

— Beaucoup non. Entre elle et moi, c’est comme s’il y avait une haie d’épines ; quand nous voulons nous rapprocher, j’en sors toujours blessée.

— Comment cela ?

— Cette femme est la créature la plus antipathique que je connaisse, j’ai peut-être tort de vous dire cela ; mais vous êtes si douce, si parfaitement dévouée, que vous souffrirez, je l’espère, moins qu’une autre, du voisinage de cette puritaine.

— Oh ! rien ne m’effraye ! je sais bien que dans toute joie, il y a une croix, sans quoi, ce ne serait plus la vie. Avec le comte Hartfeld, dont j’apprécie chaque jour davantage la nature droite, je serais trop heureuse ; il faut un nuage à l’horizon. Alors Edvig Hartfeld est méchante ?

— Oui, elle est méchante d’instinct, de plus elle est violente, acharnée à l’idée de prosélytisme pour sa secte. Elle est dure, fière, incapable de douceur et de bonté. Elle adore un Dieu de justice et de répression et non le Christ miséricordieux. Elle ne peut me souffrir et je vais le moins possible à Rantzein.

— Cependant, elle aime son frère, je trouverai là, près d’elle, mon point de contact.