Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/99

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lancé le leur par-dessus leur épaule, selon l’usage allemand, sa coupe resta pleine devant elle.

Michelle répondit gracieusement, touchée de cette fête qu’on lui offrait. Elle était en plein épanouissement de sa beauté. Mariée depuis un an, elle avait acquis un complément de charmes et la parfaite aisance que procurent la richesse, la sensation de se sentir indépendante.

Elle but et tout à coup pâlit. Elle venait d’apercevoir son mari débouchant de la sente avec la tache rouge de son bras blessé.

Elle se leva brusquement, courut à lui.

« Hans, mon Dieu ! vous avez mal ! »

Et presque défaillante, elle chancela ; tandis qu’Edvig, rassurée par la vue du visage de son frère nullement altéré, haussant dédaigneusement les épaules, s’avançait lentement.

Elle prit la main de Michelle et l’éloigna.

« Vous êtes réellement d’une inconscience inouïe, articula-t-elle d’une voix coupante, de pareilles scènes en public sont bonnes pour les bourgeois. Allez à votre place, vous fatiguez votre mari par vos exubérances déplacées. »

La jeune femme rougit violemment et obéit sans un mot, tandis que Hans la suivait d’un regard de regret, sans oser la défendre.

Toujours dominatrice, Edvig entraîna son frère, le fit asseoir près d’elle.

« Voyons Hans, ce n’est rien, une égratignure, n’est-ce pas ? Prenez quelque chose, un réconfortant et nous partirons. Il ne faut pas gagner la fièvre par un excès de fatigue. »

Tous les convives s’étaient émus : l’un d’eux racontait l’incident, nullement grave en somme. Michelle, assise du même côté que son mari, séparée de lui par plusieurs per-