Page:Gouraud d'Ablancourt - En Aragon, 1926.djvu/9

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ne serait que l’odeur d’huile rance qui trop souvènt vous poursuit.

— Allons Jacques, n’effraye donc pas ainsi ta femme, s’écrie en jetant son journal, un grand jeune homme aux yeux noisette, rieurs et doux, chez lequel on retrouve le profil régulier de Monsieur de Santy avec sa silhouette élancée mais plus mince encore. Une fine moustache d’un brun clair, ormbrage à peine cette bouche très juvénile.

Ma petite sœur. m’en a fait part, continue-t-il, elle fut toujours attirée comme nous, par l’Espagne mystérieuse... Tu aimes tellement toi-même ce pays romanesque, Jacques : ne le critique pas d’avance, et laisse Madeleine en découvrir les bons comme les mauvais côtés.

— C’est que je ne voudrais pas la prendre en traître, Pierre ! je redoute si fort qu’elle ne s’y plaise pas, si attachant que je le trouve moi-même.

— Soyez tranquille, Jacques, reprend Madeleine, je m'y ferai, mais il me faut le temps. Tenez j'admire déjà davarntage, au soleil couchant, ces montagnes dénudées mais dont les teintes rougeâtres ressortent à la lumière des rayons obliques qui les éclairent.

— Et les grandes plaines qu’elles bornent d’un côté seulement mais qui s’étendent au loin de l’autre ne dannent-elles pas une impression presque d'infini ? interroge son mari.

— Oui, il y a c’est vrai dans tout cela une sauvage poésie.

— Vous verrez, petite cœur, s’écrie Pierre de Santy, plus vous irez, plus vous Éprouverez cette sensation très prenante. Je l’ai ressentie très fortement déjà dans mes voyages en Espagne avec Jacques, avant celui-ci.

— Et moi donc ? reprend Jacques, heureux de la tournure prise par la conversation, j’ai déjà laissé ici du meilleur de mon cœur.

— Je m’y attacherai également, affirme Madeleine, et je reconnais que ce pays n’est pas banal ; ma palette et mes pinceaux y trouveront j’en suis certaine, souvent leur emploi.

— Pourvu, répond son mari, que vous ayez emporté de la terre de Sienne, du jaune d’ocre, avec un peu de vermillon et puis beaucoup de bleu ; mais le vert ne vous servirait guère !

— Voici qui te fait mentir, s’exclame Pierre.

En effet par extraordinaire, des arbres se dressent. Le