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— Quand on est deux, comme tout devient bon, observa la mère, même ce repas de ramoneurs.

— Remarque, la rivière nous nargue d’en bas. Il me semble que nous ne marchons plus.

— Ce doit être une première panne, nous sommes prévenus. Il n’est que 8 heures du matin. Le temps est sombre, je redoute la pluie... et ici, sans abri... dans quelle horrible bouillie nous serions !

— Je voudrais savoir un peu où nous sommes, on n’aperçoit que le ciel, le câble de fer, et par la fente l’eau, cela n’indique guère si nous avançons.

— On nous annonce quatre heures de voltige.

— Mais il y en a bien deux de passées. C’est étonnant qu’on n’entende rien. Pas une cloche, pas un son de voix, pas même un cri d’oiseau, le bruissement de petites vagues et celui que fait notre esquif... Cette rivière est donc bien large ?

— Elle est débordée, probablement, tout le pays est inondé. Enfin, noua arriverons, la Hollande est là, devant nous. Un peu de patience, le plus difficile me semble accompli ; nous aurons employé bien des modes de transports. J’espère que nous trouverons un bateau pour la France. Mon chéri, je redoute presque l’arrivée.

— Pourquoi ?

— Mme Ravenel sera jalouse...

— Oh ! tu ne la connais pas ! Elle sera comme ta sœur.

— Et je lui dois tellement ! Elle a travaillé pour mon bonheur en t'élevant.

Une explosion de coups de feu dériva leur pensée, cela venait sans doute de la rive où ils entendirent une galopade et des cris.

Maria-Pia n’eut que le temps de mettre la main sur l’épaule de son fils qui, oublieux de la recommandation, allait se lever.

— C’est la frontière, maman, je redoute que ce soit la reprise d’évadés.

— Silence, baisse-toi, voilà que nous repartons.

Le chariot, avec de petites secousses, glissait à nouveau en se balançant au-dessous du câble.

CHAPITRE XXIX

LA DÉLIVRANCE

La traversée fut et surtout parut infiniment longue ; la prise de contact sur la rampe d’atterrissage n’eut lieu que vers midi. Les petits wagonnets descendirent sous une voûte noire et s’en vinrent butter contre le cran d’arrêt.

Aucun des fugitifs n’osait se montrer, transis et à peine capables de se tenir debout, par suite de la longue station dans une pose pénible. René, pourtant, risqua un œil par-dessus bord. Il ne vit rien qu’un tas de poussière de charbon au bas du chariot, puis l’orifice d’une galerie remplie de wagonnets pleins de houille. Un déclanchement automatique renversa lentement toutes les bennes, ce qui permit aux quatre fugitifs de prendre pied sur le monticule noir.

Aucun ouvrier ne se montrait, c’était l’heure du dîner ; de plus, le porion, prévenu par son camarade de Laxen d’une évasion, avait éloigné tout le monde. Les fuyards n’avaient qu’une chose à faire, sortir dans la campagne en descendant la butte de détritus dont la base s’élargissait sur une plaine plantée d’ajoncs. Au moment où ils allaient toucher le sol, un homme surgit devant eux. Il était seul, couvert du costume des mineurs ; du geste, il arrêta les arrivants.