Page:Gouraud d’Ablancourt - Le secret du forçat, 1924.djvu/12

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lesté d’une pierre, à une longue ficelle et quand elle apercevrait quelqu’un au bord de l’eau, elle lancerait son appareil. Elle avait remarqué qu’une dame âgée venait souvent se promener jusqu’à la rivière.

Après plusieurs jours d’observation, Yolande qui entrevoyait dans une touffe de pâquerettes son sécateur qu’un rayon de soleil faisait briller, entendit un bruit de voxs, les jappements d’un chien qui se jetait à la nage pour aller chercher des choses lancées à son intention.

Le retrait du rocher l’empêchait d’apercevoir personne, mais elle pouvait suivre les ébats de l’animal. Aussitôt, elle laissa filer la cordelette lestée d’un caillou auquel était fixé un billet ainsi conçu :

« Prière de ramasser le sécateur tombé dans l’herbe et de l’attacher à cette corde. Merci.

» Une maladroite. »

Pour attirer l’attention, elle balançait la ficelle, n’osant appeler. Le chien fut lo premier averti, il se mit à sauter et à aboyer.

— Qu’est-ce qu’il y a, Luron ?

Un. jeune homme vêtu de bleu horizon, un galon d’or sur sa manche, teccourut, en riant saisir le papier.

— Tiens, grand’mère, un message qui nous tombe du ciel. Ce disant, il levait la tète, mais Yolande avait plongé derrière son mur. Elle, entendit une voix de femme riposter gaiement : ■—- Est-ce qu’il y a un prisonnier là-haut ?

— C’est moins romanesque, grand’mère, tout simplement on nous prie de renvoyer un sécateur tombé chez nous et c’est signé : « Une, maladroit © ». Qui est-ce qui habite ce sommet ?

— Una dame qui m’est, inconnue, venue depuis peu au pays avec sa fille.

— Ah I

Il cria :

— Montrez-vous, la maladroite, je ne trouve pas l’objet, indiquez-md sa place.

La figure d’Yolande toute rouge émergea entre les branches souples et, d’un geste du bras, clic désigna la touffe fleurie. La grand’mère et le petit-fils souriaient à la poétique apparition. —« Vois, Remy, quelque chose miroite là-bas.

— Oui, c’est le sécateur ; tenez. Mademoiselle, il est un petit peu rouillé. 11 brandissait l’outil, puis le suspendit au cordeau qui remonta immédiatement, suivi des yeux, dans son ascension, par le couple amusé. Yolande n’avait pas dit un mot, mais dans sa vie solitaire ce petit incident présentait une distraction. Le lendemain, elle revint observer le bord de l’eau. Le jeune homme, une ligne en main, regardait de son côté ru lieu de s’occuper des. poissons ; il la salua, elle répondit d’un signe de tète. Il dut s’acharner à la pêche, car à plusieurs reprises, dans le courant de la journée, la petite curieuse reparut au balcon. Le pécheur était toujours au bord de l’eau, peu encouragé par le succès, semblait-il, mais doué d’une louable patience.

Le dimanche- suivant, en sortant de la messe de g heures à Saint-Remy, Mme des ToomeUes et sa Silo, rencontrèrent sur la place les riverains de la Mayenne. Le jeune, homme aussitôt salua avec un regard souriant, sa grand’mère eut une inclination à laquelle répondirent les dames des Teuraeiles.

— Tu connais donc cet officier, Yo ? demanda sa mère.

— A peine, un hasard, il m’a rendu, un léger service. Et Yolande racocla la- minime aventure. Sa mère eut un lourd soupir. :