Page:Gouraud d’Ablancourt - Un éclair dans la nuit.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Allez donc, mais revenez, on pourrait peut-être faire un tour de danse avec le phonographe.

— Oh ! tu sais la danse me laisse froid. Nous allons nous restaurer d’abord. Bonjour Athos.

Un jeune homme arrivait, il tenait un compotier chargé de gâteaux qu’il apportait aux jeunes filles.

— Notre cousin, présenta Onda : Athos Achillopoulo.

— Bonjour, fit l’arrivant, voulez-vous de mes provisions ?

— Rien. Nous commencerons par des choses plus substantielles, remercia le collégien.

Toujours entraînant son ami, il parvenait au buffet devant lequel une haie d’hommes et de femmes en riches toilettes, buvaient et mangeaient, avec l’appétit gourmand de l’époque actuelle qui semble avoir doublé comme le prix des friandises.

— Attends, je vais nous composer un bon petit goûter.

Ce disant, Ooda prenait une assiette, il y entassait des tartites de caviar, des sandwiches de poulet à la gelée, des petits pains de foie gras. De l’autre main, il saisissait une coupe de tartelettes aux fruits et donnait l’ordre de servir deux tasses de chocolat sur la console, près de la window, derrière les palmiers. Muni de ce régal, il expliquait à son ami :

— Nous allons être tranquilles là-bas, personne ne nous dérangera, après je reviendrai chercher du champagne frappé. J’ai une faim de loup, ni toi ni moi n’avons mangé au collège.

C’était vrai, Tancrède aussi cédait à l’appel de la nature, les deux amis dévoraient les délicates gourmandises que le fils de la maison renouvelait à mesure.

— Je me fais l’effet de Robinson allant au navire, disait-il en revenant se cacher sous les arbustes, amplement muni de provisions alléchantes. Ce que je suis content de t’avoir avec moi, t’as pas idée, vieux !

— Brave cœur ! c’est quand le malheur passe qu’on te trouve.

— Et toi donc ! Lorsque les méchants gosses du Lycée m’attaquaient, tu savais me défendre. Et si j’ai été toléré ensuite, c’est parce que tu m’imposais.

— C’est parce que tu étais bon camarade.

— Je sais ce que je pense, suffit. Veux-tu qu’au lieu de retourner avec les belles demoiselles qui se fichent pas mal de collégiens comme nous, nous allions voir papa à la banque. On reviendra avec lui en auto. Tu ne connais guère Paris.

— Non. J’y ai été enfant, puis mes parents sont allés vivre à Saint-Malo. Ils m’ont mis au Lycée, je sortais rarement et quand, une fois de temps à autres, mon