Page:Gouraud d’Ablancourt - Un éclair dans la nuit.djvu/14

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correspondant, un colonel retraité, venait me chercher, il m’emmenait dans les Musées et me reconduisait avant le diner.

— Ce n’était pas gai.

— C’était intéressant tout de même, le digne homme, un savant, n’est pas riche, il faisait ce qu’il pouvait et je le comprends, il est parti maintenant à Amélie-les-Bains, à l’hôpital militaire.

— Une coupe de champagne, mon Vieux, et sauvons-nous par l’office, dans le salon on nous harponnerait.

La gaîté de leur âge reprenait son empire, même Tancrède oubliait le triste présent, la scène du matin.

Ils sortirent par l’avenue Gabriel, le temps était radieux, une jeune verdure s’ouvrait au branches sombres des marronniers, de gros pigeons volaient, s’abattant sur les pelouses. Des enfants jouaient au cerceau, à la balle. Les Lycéens longeaient les jardins des hôtels de la belle avenue ; dans celui du cercle Inter-allié, des couples se promenaient et l’harmonie de la musique s’épandait au dehors. A la terrasse de l’Epatant, des hommes fumaient paresseusement étendus dans des rockings-chair. Ils traversèrent la place de la Concorde, prirent la terrasse des Tuileries jusqu’à la rue Cambon où est située la Banque de Paris-Athène. C’est un vaste immeuble, au fond d’une large cour. L’heure de fermeture au public était passée, mais les employés et le patron travaillaient encore. Onda, suivi de Tancrède, entra sans être arrêté, on le connaissait. Tous les deux traversèrent la salle entourée de guichets, pour arriver au fond où se trouvait le cabinet de M. Consouloudi.

Doucement, le fils du banquier tourna le bouton, entrouvrit la porte, passa la tête. Aussitôt une exclamation jaillit joyeuse :

— Toi, mon petit, déjà ! Entre, je suis seul.

— Papa, je t’amène mon ami Tancrède.

— Bravo. Il est là ? Venez mon jeune ami, je suis bien aise que vous ayez accompagné mon fils.

— Et moi aussi, Monsieur, l’accueil que je reçois chez vous est tellement aimable.

— A tout le moins n’est-ce pas ? Vous voilà en vacances pour une quinzaine, il faut la passer avec nous.

— Merci, Monsieur, mais je dois aller rejoindre ma mère à Saint-Malo, je partirai demain matin.

— On verra... Si je vous emmenais tous les deux, ce soir au Châtelet ?

— Oh ! oui, papa. Qu’est-ce qu’on joue ?

— Je ne sais, vois le journal. C’est toujours une féerie qui vous amusera. Je vais téléphoner pour avoir des places.