Page:Gouraud d’Ablancourt - Un éclair dans la nuit.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Erlon contre le gros marronnier de la cour, il s’est rudement cogné et tout le monde a ri, mais pas de moi.

— Bêtises, tout cela !

— Quand tu seras loin, je n’aurai plus d’ami, je n’en veux pas avoir. Je demanderai à papa de me prendre un précepteur et de travailler chez nous. Là, on ne me fera pas de misères, les gens qui viennent à la maison ne sont pas comme les collégiens méchants...

— Souvent bons et généreux, mon petit Onda, souviens-toi encore, puisque tu fouilles les souvenirs, le jour où le Proviseur a grondé Marcel Suo, parce que le pauvre gamin pleurait son chien écrasé par l’auto du Ministre qui venait au Lycée présider une fête. Tous les camarades consolaient Marcel, l’un d’eux lui a apporté un autre chien. A ton égard aussi, mon petit, justement le jour des déguisements, ceux de notre classe ont été gentils, ils prenaient parti pour toi.

— Oui, quand tu leur en as donné l’exemple. Tu m’écriras dis ?

— Souvent. Tu devrais prier tes parents de venir aux bains de mer à Saint-Malo.

— Ah ! la bonne idée. Bien sûr, je les en supplierai. Ils se levèrent. Onda régla les consommations, le restaurant était à quelques pas. Le banquier les attendait sur le seuil.

— Serions-nous en retard, Monsieur ? s’inquiéta Tancrède.

— Nullement. Je suis en avance, j’avais besoin de prendre l’air. Entrons.

Une table retenue par téléphone, était préparée en belle place près de la fenêtre ouvrant sur le boulevard. Des œillets roses s’érigeaient au milieu, beaucoup d’autres convives étaient déjà installés ; des toilettes claires, des smokings, des types variés d’étrangers, un ensemble amusant, cosmopolite, élégant. Tancrède n’avait jamais rien vu de semblable, mais il gardait en toutes circonstances l’instinct de la correction.

— Que préférez-vous jeune homme ? fit le banquier, consultant la carte.

— Ce que vous voudrez, Monsieur, le menu du Lycée ne m’a pas rendu gourmand.

— Je m’en doute. Décide, mon fils, tu saurais mieux que moi les goûts de ton camarade. Choisis.

— Bon. Je dicte. Ecrivez maître d’hôtel : Huîtres de Marennes, des vertes. Potage, non pas de potage, un « manzo-maison », des ravioli...

— Qu’est-ce que tu imagines ? interrompit le père.

L’enfant sourit :