Aller au contenu

Page:Gouraud d’Ablancourt - Un éclair dans la nuit.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Nous sommes en Italie ici, je cherche la couleur locale.

— Moi, je demande un simple poulet rôti au cresson.

— C’est parfait, père, ajoute une bombe glacée et des pommes de calville.

— Quel vin, Messieurs ? demandait le sommelier.

— Du vin d’Asti et de la tisane de champagne.

Le repas fut gai, le duc de Belcaze s’approcha pour saluer Platon Consouloudi, il se dérangea de sa table afin de joindre le banquier auquel, très cordial, il tendit la main.

— Bonsoir, cher ami, bravo, ELLES montent !

— Et ELLES ne font que commencer leur ascension, ne lâchez pas surtout.

— Pas de crainte. Ma femme vend ses « mines de Platine ».

— Elle a tort. Elles feront un bond en fin du mois.

— Je lui dirai. Tenez elle nous sourit.

Il désignait une table assez éloignée, d’où une dame en toilette dernier chic, envoyait de la main, un geste amical. Platon se leva, s’inclina vers elle et se rassit, le Duc s’éloignait.

— Mes clients, dit Je banquier, je les enrichis.

Tancrède était un peu ahuri, mais ne laissait rien paraître. Il avait rentré une riposte venue à fleur de lèvres, quand M. Consouloudi avait dit : « Je les enrichis ».

— Au dépens de qui ? songeait le jeune homme qui se rappelait les soirs où son père rentrait morne, décavé, hargneux, accusant les spéculateurs. Ah ! c’étaient de tristes heures, sa mère pleurait, lui essayait de la consoler en l’embrassant, elle le prenait sur ses genoux et il s’endormait là contre ce cœur aimant qui souffrait. Quelle balançoire la vie !

La soirée au théâtre fut exquise, les ballets, les décors, « les sept Châteaux du Diable » qui représentaient les sept péchés capitaux, offraient une espèce de moralité. Les collégiens étaient tout yeux tout oreilles, la fin de la pièce les surprit, ils auraient passé la nuit entière au Châtelet.

Quand ils rentrèrent, Mme Eurydice et sa fille n’étaient pas encore couchées, les derniers invités venaient de partir. Au moment où elles se disposaient à prendre leur repos, une surprise-partie était venue en trombe, envahir l’hôtel. On avait encore dansé, puis soupé en pic-nique et, maintenant enfin, on songeait au sommeil. Elles l’avaient vraiment bien gagné !

L’échange des bonsoirs fut très affectueux, puis Onda conduisit son ami dans une chambre au premier étage qui, ainsi que tout l’hôte1, montrait le luxe et le confort. Il l’embrassa tendrement :