Page:Gouraud d’Ablancourt - Un éclair dans la nuit.djvu/23

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père l’a envoyé hors du nid avec mille francs en poche et lui a dit : — Débrouille-toi.

— C’est un peu mon cas, moins les mille francs. Qu’est-ce qu’il a fait ?

— La rencontre d’un maquignon sur le bateau, cet homme allait acheter des chevaux en Andalousie. En voyant ce jeune homme intelligent, robuste, qui parlait trois ou quatre langues, il l’a engagé comme aide. Le métier amusa le novice, il apprit à jeter le lazo, à dompter des bêtes sauvages. Il s’est mis à acheter et revendre, bref, il a gagné très vite d’énormes sommes. Sans nuire à ce commerce, il s’initiait au trafic de la Bourse, il avait le flair des valeurs qui allaient monter. Il spéculait sans risques, toujours prudent. En une seule journée, sans même avoir levé les titres, il les a achetés et revendus dans la même journée avec vingt-cinq pour cent de bénéfice. C’est un malin.

— Il en a bien l’air.

— Son esprit est tendu sans cesse vers le gain. Où qu’il soit, et quoi qu’il fasse, il cherche le moyen à exploiter. La poésie, la nature, l’art, ne l’intéressent que s’ils offrent un joint qui devienne un truc. Ecoute ce fait qui le peint. Il avait donné à Marie un superbe rubis pour sa fête. Une de nos relations, Mlle de Sauteloup qui doit se marier, voit cet anneau qui l’enthousiasme. Elle veut le montrer à son fiancé, le marquis de Taragone, pour qu’il lui en offre un pareil. Où trouver le pareil ? Le fiancé s’adresse à Athos qui lui répond très gracieusement :

— Il n’en existe pas. Cette pierre est unique. Mais ma chère Marie vous la cédera volontiers, elle sera enchantée de faire plaisir à son amie.

— Oh ! se récria le fiancé, jamais je n’accepterai un tel sacrifice. Vous êtes véritablement trop aimable.

Mon cousin, habile enjôleur persuade… l’imbécile qu’il lui fait un grand avantage, mais s’il se prive de son bijou, c’est avec tant de plaisir ! En résumé, l’adroit Syrien ou Athénien, je ne sais, il est sûrement Bethleamitin, (?) finit par vendre le rubis le double de ce qu’il l’avait acheté en se faisant, de son acquéreur un ami plein de gratitude pour un tel procédé.

— Ah ! il a osé ôter la bague du doigt de sa cousine.

— Oui, en riant et Marie s’amusait beaucoup. Ils ont acheté en place une émeraude merveilleuse.

— Qu’ils pourront encore revendre.

— Sûrement. Si un avantage en ressort.

— Voilà un homme dont je ne me ferais jamais un ami.

— Mais mon cher, dans le milieu des affaires, cela se fait couramment. La baronne Sarah d’Adama a cédé son