Page:Gouraud d’Ablancourt - Un éclair dans la nuit.djvu/41

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— J’en suis charmé, ma cousine, notre famille est nombreuse, assez dispersée, nous n’habitons plus Paris.

— C’est vrai, songea le collégien, nous avons beaucoup de parents, la plupart riches, et probablement peu soucieux de nous rencontrer. Comment se fait-il que je trouve ici une cousine ?

Le menu était en accord avec sa présentation, des truffes en abondance, des noms de mets indiquant des plats dont le lycéen ne devinait pas le contenu. Le sommelier lui glissait à l’oreille, comme une confidence, le nom de vins de grands crus. Il appréciait peu ces surprenantes choses, il n’était ni affamé, ni gourmand, il regardait les dames couvertes de bijoux, il entendait les conversations gaies, où parfois un mot spirituel jaillissait. Parmi les hommes, un ministre était assis près de la maîtresse de maison et une princesse près de l’amphitryon. Sa voisine à lui, désignait sa mère, la marquise de Noirmont, très belle, très parée, qui causait avec un amiral. Un général, orné de nombreuses décorations, était très écouté, il paraissait tenir sous le charme de sa parole son entourage. Onda, séparé de son ami par toute la longueur de la table, lui envoyait souvent un regard, un sourire, il semblait s’amuser beaucoup avec une jeune femme, assise près de lui. A mesure que les services se succédaient, les convives devenaient plus bruyants, des rires fusaient et puis, une seconde de silence relatif permit à tout le monde d’entendre cette phrase de Platon Consouloudi :

— Vendredi, la « Bianca-Carbone » a monté, de 99 fr.

Il y eut un ah ! et la princesse de Carminiano dit en riant :

— Io souis allegrezza !

— Il y a de quoi, Princesse, c’est dans votre parc qu’on a trouvé le filon.

— Retrovare, si. La veine était perdouto, le caro banquière, il l’a retrovée, gracia à la bacchetta di noccuiolo.

— Qu’est-ce que vous racontez ? s’écria Ferley, l’agent de change, expliquez-nous ça Platon.

— C’est fort simple, mon cher ami, la mine creusée au bord du Pô...

— Au bord du pot ?

— Sans doute, sur la rive droite du fleuve, quoi ?... on pioche, on culbute des amas de terre, plus trace du filon carbonifère, les actions arrivent à zéro. Je me désespère, lorsque, très anxieux, en arpentant la campagne distraitement, je casse une branche de coudrier et je continue à errer. Je longeais le mur du parc de la Signora ici présente ; très indiscret, Voyant une brèche au rempart, je saute par là. Le lieu est sauvage, personne ne se montre, je marche et voilà que soudain je sens ma petite baguette