Page:Gouraud d’Ablancourt - Un éclair dans la nuit.djvu/46

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du lycée Pascal, seraient écoulés. Le matin il était allé à la messe à Saint-Philippe du Boule, seul, de très bonne heure. Après la fête prolongée fort tard, le jeune homme n’avait pu trouver le sommeil, son esprit travaillait. Que de choses qu’il ne soupçonnait pas, entr’ouvertes devant lui. En ce peu de temps quelle instruction ! Sa cousine de Noirmont l’avait invité à déjeuner, mais il avait décliné l’offre. Voulant partir le soir, il lui fallait aller chercher son billet de chemin de fer au collège, ensuite il ne voulait plus quitter Onda si simple, si dévoué, jusqu’au dernier moment.

Au petit jour il entendit sonner les cloches et il se leva. Tout dormait dans l’hôtel. Sa toilette achevée, il descendit. Les salons offraient un désordre complet, les fleurs fanées gisant sur le tapis, les consoles de la galerie encombrées de tasses vides ou demi-pleines, des coupes de champagne, des petits fours renversés, un éventail brisé, un gant fripé sur un fauteuil.

— Lendemain de fête, songea l’errant. Comment sortir ? Je n’ose éveiller le concierge.

Il passa dans le jardin, l’air pur, léger, était délicieux, la cime vert tendre des marronniers des Champs Elysées se dorait des premiers rayons. Nul passant, seul le roulement d’un autobus dans l’avenue centrale. De partout des sons de cloches, les églises lançaient le carrillon joyeux des fêtes pascales.

Soudain Tancrède se rappela avoir vu Onda presser un petit bouton caché dans le lierre et la grille de l’avenue Gabriel s’était ouverte pour leur livrer passage. Il se mit à chercher entre les feuilles luisantes de rosée et trouva le contact. Il perçut un petit grésillement et le pêne céda. Tancrède était libéré. Il referma derrière lui !e battant de fer. Sauf un balayeur, personne ne se montrait sur la voie déserte à pareille heure. Il savait où était l’église de Saint-Philippe du Boule, il remonta jusqu’au Rond-Point et prit l’avenue d’Antin. Des fidèles entraient à l’église, des gens modestement vêtus, puis quatre dames enveloppées de mantes blanches, qui devaient sortir d’une fête et prenaient la messe avant le repos. Il entra. C’était l’office de six heures. Il l’écouta pieusement ainsi que la petite allocution habituelle et la bénédiction qui clôture cette messe. Tancrède, à genoux au premier rang de la nef, songeait.

Cet enfant de seize ans avait soudain vieilli, c’était pour lui plus vite que pour un autre, le passage de l’adolescence à la jeunesse. L’existence insouciante de l’enfance était accomplie, l’heure de la réflexion sonnait. Il avait reçu le coup cruel, humiliant qui faisait dériver sa carrière. ensuite trois jours de plaisir, d’amitié, de réconfort.