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préjugés mondains. Les relations anciennes, les parents, nous n’en avons d’ailleurs pas de proches, nous tourneront peut-être le dos. Nous n’en serons pas moins estimables.

— Sûrement. A présent, on admet le travail ce qui honore plutôt l’humanité. Si on pouvait me prendre aussi dans ton hôtel, au moins nous serions ensemble.

— Je le demanderai, je savais, mon Tancrède, que tu serais courageux. Tu ne ressembles pas à ton pauvre père, il était de l’époque où un gentilhomme ne devait que chasser, guerroyer, jouer, hélas ! Il est mort, sans connaître heureusement dans quelle détresse il nous abandonnait. Je suis arrivée à force de prodiges à ne rien changer à ses habitudes, il ne pouvait s’apercevoir que je vendais peu à peu nos richesses, même presque jusqu’au nécessaire... paralysé il ne pouvait quitter sa chambre.

— Je me le rappelle. Pauvre cher papa, il était si beau, si gaî, si élégant, si insouciant, il riait... des choses trop graves. Quand nous avons vendu notre château de Luçon, il disait : « Nous serons bien plus riches à présent ». C’était un grand enfant. D’où il est maintenant, s’il nous voit, il doit juger autrement les choses.

— A moins que de là-haut ces, petits événements si courts, ne semblent rien à ceux qui sont dans l’éternité. Ce qui lui a manqué, c’est l’éducation familiale, à lui et a moi aussi d’ailleurs ! Nous n’avions aucune expérience, bien que assez âgés lors de notre union. Nos éducations réciproques n’avaient pas la base solide que l’enfant acquiert au foyer.

— Maman, je ne sais guère l’histoire de notre famille, veux-tu me la conter. J’ai été presque toujours hors de la maison, les vacances exceptées, et alors c’étaient des voyages.

— Oui, mon petit, je te dirai comme tu le demandes, l’histoire de notre famille, ce sera pour toi un enseignement, mais plus tard, ce soir, quand notre travail sera achevé. Pour le moment, nous devous nous rendre à la ville, c’est jour férié, nous assisterons à la grand’messe. Nous qui n’avons plus de chez nous, allons chez notre Père, le bon Dieu.

— Tu as raison, maman. Il faudra aussi que j’aille chercher ma malle à la gare, pour la conduire où ?

— Chez Yanik.

VII

LA VIE NOUVELLE

Yanik était de l’espèce, moins rare qu’on ne pense, des serviteurs antiques. Elle avait été au service des Luçons depuis leur mariage jusqu’à la mort du comte, soit dix-