Page:Gouraud d’Ablancourt - Un éclair dans la nuit.djvu/62

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de Lilebonne, chez qui il demeurait tout en suivant les cours du Lycée Janson de Sailly.

Quant à sa petite sœur, âgée de deux ans et demie, sa mère ne voulut pas s’en séparer, elle l’emmena. Le pays où ils se rendaient est sain, ils comptaient y séjourner, visiter l’Arcadie ancienne et s’établir au bord de la mer. Ils partaient au début du printemps radieux. Leur voyage, dont à chaque étape ils donnaient des nouvelles, s’accomplissait le mieux du monde. Ils envoyaient des photographies de monuments, de types indigènes, et aussi des articles pour les revues. Le jeune Tancrède, ton père, de son côté, menait une existence fort amusante. Il suivait bien, à peu près, les cours du Lycée. Quant aux études elles se passaient à se promener soit avec son parrain, soit avec un « lad » de son écurie, soit à l’entraînement, et enfin aux courses sur les divers « turf » de France et d’Angleterre. Le vicomte qui n’avait qu’une passion : les chevaux, pariait, faisait courir, fréquentait les jockeys et initiait son filleul à cette dangereuse science de sportman. En même temps il lui enseignait 1’élégance mondaine, la tenue de salon, bref il en faisait un parfait gentleman. Inutile de dire que le jeune élève ne passa jamais aucun examen. Il fit cependant sa première communion, le soir même, il partait avec son parrain et leur pouliche Myra pour Epsom. Au milieu de cette vie agitée, on oubliait un peu les absents. Le vicomte fut tout surpris de constater - un jour, où par hasard il pensait à son cousin, que celui-ci n’avait donné aucune nouvelle depuis plus de trois mois. Or, il était absent depuis plusieurs années et n’avait jamais été autant de mois sans écrire. Il envoya aussitôt une dépêche, attendit la réponse qui ne vint pas. Alors, sérieusement inquiet, il alla s’informer chez le ministre de Grèce.

— Je ne sais rien du Comte de Luçon, dit celui-ci, en ce moment, le pays n’est pas très tranquille du côté de l’Elide, il y a des bandes de pillards dans les montagnes. J’ai su qu’il y avait eu une razzia près de Pyrgos, on aurait massacré et jeté à la mer les habitants d’un village bâti sur des ruines d’avant notre ère. Où était votre parent ?

— Il voyageait, j’ai eu de ses nouvelles de Pharsale de Karytena. En dernier lieu, il était dans les monts Lycée.

— Je ne puis malheureusement vous rassurer en rien.

— Je vais partir à sa recherche, fit le vicomte très ému, donnez-moi des lettres d’introductions, Monsieur le Ministre, et un itinéraire.

Le parrain jugea inutile d’effrayer l’enfant, il le laissa chez lui aux soins de son écuyer John Lilbury et lui recommanda d’aller bien régulièrement au collège. Mais