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un éclair dans la nuit

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boire. Onda y jeta un petit billet bleu et s’avisa soudain : — Où est grand ’mère ?

Aussitôt, il quitta le groupe qui s’en allait en riant de l’éloquence du vieux Breton et il se mit h parcourir le château dont les portes restées ouvertes lui laissaient tonte latitude.

Tl arpentait des salles immenses à demi démeublées. Celle, dite des Gardes, contenait encore des armures et des portraits d’ancêtres, les uns en costumes de Cour, les autres avec le casque et la cuirasse. Onda appelait : grand’mère ! et il songeait inquiet : « Pourvu qu’il n’y ait pas d’oubliettes cachées... » La brise faisait onduler des débris de tentures, beaucoup de petites vitres cerclées de plomb étaient brisées. Toujours courant, il arriva dans l’aile du midi. Là l’abandon était moins visible, plusieurs pièces étaient entretenues. Les propriétaires actuels, pendant leurs rares séjours, devaient habiter cette partie du château.

Onda souleva une portière de tapisserie, peu respectée par les mites, et resta stupéfait sur le seuil. Sa grand-mère est là, debout au milieu de la chambre, les mains jointes, les yeux en larmes, elle ne l’entend pas, elle semble en proie à une vision, une grande anxiété est peinte sur ses traits tendus.

Doucement, son petit-fils vient glisser son bras autour du cou de sa tendre aïeule, il met ses lèvres chaudes sur la joue très pâle :

— Mémée chérie, qu’as-tu, je t’ai appelée. Souffres-tu ? — Onda ! je suis déjà venue là ! j’ai vu ces choses, oh ! ce tapis dont je reconnais les fleurs. — Tu es venue en rêve, pourquoi t’impressionner ainsi, allons retrouver nos compagnons, on va partir. — C’est, juste, je m’oublie, si tu savais, je suis la route mystérieuse, mais tu as raison, partons. Us descendirent ensemble sans parler, la pauvre Eléna semblait une automate, ses yeux s’accrochaient aux choses... elle murmurait des mots que le petit ne comprenait pas, qui l’inquiétaient. Us rejoignirent les touristes à l’entrée du pont-levis qui ne se levait plus depuis des années et que fixait désespéréifiônt l’aïeule jusqu’à ce qjfun tournant de la route lui en déroba la vue. Le trajet vers l’embarcadère fut court, le bateau se balançait par la marée montante qui faisait refluer la Rance. La société était bruyante et joyeuse, sauf les Consouloudi qui se taisaient assis l’un près de l’autre à l’écart. Elle gardait les paupières closes ; lui, préoccupé de cette étrange attitude. Us arrivèrent à la nuit. Onda courut au bureau de l’hôtel où se tenait Mme Luçon. En ce moment, elle comptait le linge que venait de rendre la blanchisseuse :