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LA BELGIQUE LITTÉRAIRE

fond de tout cela des cris de terreur inouïs, des effets de mystère irrêvés, et parmi une atmosphère d’angoisse les cœurs s’arrêtaient soudain comme des horloges mourantes. Avec Pelléas et Mélisande, le monde sorti de l’imagination — on dirait parfois un peu névrosée, mais quel non-sens ce serait ! — du poète, s’humanise et tend vers un lyrisme où il y a des sourires dont l’œuvre s’éclaire, en même temps que le dialogue devient moins inconscient, ressemble moins à des cris et à des soupirs de la nature : « Je ne t’ai embrassé qu’une fois jusqu’ici, dit le vieux roi Arkël à Mélisande, le jour de sa venue ; et cependant les vieillards ont besoin de toucher quelquefois de leurs lèvres le front d’une femme ou d’un jeune enfant, pour croire encore à la fraîcheur de la vie et éloigner un