Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/106

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l’homme ni la femme ne sont entièrement beaux, les défauts de la race humaine sont plus accentués chez la femme, où la double saillie du ventre et des fesses, attrait sexuel sans doute, gauchit disgracieusement la double ligne du profil ; la courbe des seins est presque infléchie sous l’influence du dos qui a une tendance à se voûter. Les nudités de Cranach avouent naïvement ces éternelles imperfections de la femme. Un autre défaut auquel les artistes remédient instinctivement quand ils ont du goût, c’est la brièveté des jambes, si accentuée dans les photographies de femmes nues. Cette froide anatomie des beautés féminines a souvent été faite ; il est donc inutile d’insister, d’autant plus que la vérification en est malheureusement trop facile. Mais si la beauté de la femme résiste si mal à la critique, comment se fait-il qu’elle demeure, malgré tout, incontestable, qu’elle soit devenue pour nous la base même et le ferment de l’idée de beauté ? C’est une illusion sexuelle. L’idée de beauté n’est pas une idée pure ; elle est intimement unie à l’idée de plaisir charnel. Stendhal a obscurément perçu ce raisonnement quand il a défini la beauté « une promesse de bonheur ». La beauté est une femme, et pour les femmes elles-mêmes, qui ont poussé