Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/174

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demeure tout empâtée.. ».[1]. Ce religieux, Pierre de Dace, qui était l’ami et le confident, mais non le confesseur de Christine, a, en effet, noté une partie de sa vie et Renan nous l’a dite à son tour d’après les Bollandistes, Quétif, Papenbroch et un biographe moderne[2]. C’était la fille de paysans des environs de Cologne. Elle avait reçu quelque instruction, ne savait pas écrire, mais lisait et comprenait assez facilement le latin. Liée dès son enfance à Jésus, comme Catherine de Sienne, par un mariage mystique, elle fut très pieuse, très douce et très douloureuse, « sponsa dolorosa ». C’est en 1267 que le jeune dominicain Pierre, né dans l’île de Gothland, et étudiant monacal à Cologne, rencontra pour la première fois Christine. Il avait pareillement des tendances à l’exaltation mystique : un très pur amour joignit les cœurs de ces deux enfants et, une nuit de prière et d’exaltation, ils célébrèrent leurs fiançailles spirituelles : « O felix nox, dit plus tard Pierre de Dace, o dulcis et delectabilis nox in qua mihi primum est degustare datum quam sit suavis Dominus !  » Christine, véritable martyre de l’hystérie, avait

  1. Les hallucinations de ce genre ne sont pas très rares dans le délire hystérique. Cf. Brière de Boismont, op. cit., observations 73 et 74.
  2. Revue des Deux-Mondes, 15 mai 1880.