Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/188

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vastées par les guerres ; on érigeait la femme sur le socle d’où le dieu tombait, ayant trop vécu ; une inscription nous assure de la métamorphose ingénue :

  Martirii gestans virgo Martina coronam
  Ejecto hinc Martis numine templa tenet.

La guerre est entre les dieux, mais non entre les religions ; il n’y a qu’une religion, elle se rajeunit.

Parfois des apôtres plus instruits de l’évangile ordonnaient la destruction des temples, l’anéantissement des dieux, mais le peuple alors se révoltait et la religion ancienne se perpétuait dans les forêts, dans les grottes. Plus tard, ces brutalités évangéliques engendrèrent la sorcellerie, un culte secret devenant nécessairement orgiaque et malfaisant. A Paris, de nos jours, quand la religion baisse, la somnambule gagne ; la libre-pensée, pour le peuple, c’est le tarot et le marc de café. On déplace la superstition, on ne la détruit pas. En ses instructions au moine Augustin, Grégoire le Grand se prononce fermement contre toute démolition inutile : « Ne pas renverser les temples, niais seulement les idoles ; si les temples sont solides, les utiliser ». Quelle leçon pour les faux idéalistes que l’esprit pratique