Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/250

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terrain qui leur plaît et là poussent et se développent et fleurissent naïvement, heureuses d’avoir fleuri. Donc, ne gaspillez pas les heures précieuses à interroger votre crâne vide, à remuer l’inutile sable où le vent n’a déposé que des graines aussitôt sèches et mortes ; il vous faut des idées, pourtant : eh bien, soyez brave, volez ! Les écrivains que vous dépouillerez le plus fructueusement, ce sont vos prédécesseurs immédiats. A peine à mi-chemin de la montée, les bras occupés de pioches et de haches, tout au labeur, ils n’auront ni le temps ni le souci, peut-être, de se défendre ; les voix ne sont bien entendues que du sommet ; s’ils crient leurs cris mourront dans les broussailles : vous pouvez donc opérer avec une heureuse sécurité.

Un autre motif de choisir vos aînés les plus proches, c’est que leurs idées déjà un peu connues seront mieux accueillies du public, qui n’y verra pas l’injure d’imaginations trop neuves et trop fraîches ; elles peuvent, par un coup de succès, se répandre d’un jour à l’autre ; c’est de la besogne à moitié faite, profitez-en sans scrupule, car il faut arriver, et celui qui arrive le premier peut se mettre à table pendant que les autres peinent dans la nuit, sous la pluie. Je vous recommanderai même, quand vous serez entré dans