Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/249

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gues, paysages, gestes, sourires, cheveux, accidents, scènes d’amour, jalousies, souliers, jupes et consciences, où tout, dis-je, donnerait la sensation de retrouver un chien perdu ou une amante égarée ! Qui nous fera ce roman-là ? Plusieurs écrivains célèbres se vantent, dit-on, d’un tel chef-d’œuvre ; j’avoue qu’ils en approchèrent, mais pas au point que je les admire sans réserve ; il leur manque d’avoir évité la vulgarité. Car vous comprenez sans doute que si je bannis le style, j’exige la distinction ; et davantage encore, je veux que ce livre sans écriture, sans idées, mais distingué, ait « un air de littérature » qui séduise les plus difficiles et les plus délicats.

                                    VI

En vous interdisant les idées, il est bien évident que je ne pense qu’aux idées originales ou assez renouvelées pour paraître nouvelles. Les idées, c’est ce que je vous ai déjà allégué sous le nom de pacotille ; vous n’en avez pas ; le temps vous manque pour réfléchir, et d’ailleurs les idées naissent spontanément de germes promenés dans l’air et qui se posent sur le