III
LE PRINCIPE DE LA CHARITÉ
Le principe d’un acte, ou sa cause génératrice et maîtresse, importe
plus que l’acte lui-même, car c’est par son principe que l’acte acquiert
son degré de valeur esthétique, c’est-à-dire morale. Réduit au mécanisme
physique, l’acte est indifférent : c’est l’extériorisation d’une force et
rien de plus. Que l’effort des muscles se résolve en un sauvetage ou en
un meurtre, les deux actes sont les mêmes, et pour les différencier il
faut avoir compris leur principe initial ; mais ce principe peut être
commun, avidité, vanité, obéissance, courage : — et un meurtre apparaîtra
vêtu de toute la sanglante beauté du désintéressement, et un sauvetage
sali de toute la vase du fleuve et de toute la boue de la récompense.
Que, les principes déterminés, le châtiment intervienne et efface le
crime ; que la récompense, aussi sûrement, efface l’œuvre qui la motiva,
et l’on retrouve l’état d’indifférence qui est l’état normal de
l’acte