Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/295

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glots, pleuré leurs pères. Mais la vie, plus forte que les sentiments particuliers, est aussi plus forte que les sentiments nationaux. Les langues de l’Europe périront toutes, malgré ce qu’elles contiennent de beauté et d’humanité ; elles périront toutes selon la tradition orale : si l’une ou deux ou trois d’entre elles doivent échapper à la mort intégrale et vivre, un peu, comme vivent encore un peu, aujourd’hui, le latin et, beaucoup moins, le grec ou l’ancien français, — lesquelles ?

Si l’on suppose que le vainqueur de l’Europe et du monde sera le peuple russe, il faut d’abord éliminer toutes les autres langues slaves, qui seront les premières détruites. Aucune d’elles, d’ailleurs, ne possède une littérature qui puisse ou retarder ou même faire regretter beaucoup leur disparition ; on peut dès maintenant les considérer comme des phénomènes passagers, et avec un peu d’application déterminer, à un siècle près, tout cataclysme écarté, la date de l’extinction totale. Ceci admis, on appliquera le même raisonnement aux parlers scandinaves dont la vie, rénovée par tel écrivain de génie, n’en est pas moins factice et précaire. Même si