Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/296

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l’Europe devait, au lieu de la conquête, subir, châtiment bien plus épouvantable, la paix mélancolique que lui prédisent les humanitaires, on ne voit pas la place que pourrait tenir dans le monde, Ibsen disparu, une langue telle que le dano-norwégien. Ces dialectes réservés à un petit nombre d’hommes sont pour ces hommes mêmes un embarras et un piège, et, plus encore, un tombeau.

Le hollandais ne doit pas attendre une meilleure destinée, ni le portugais ; mais ces deux langues pourraient, longtemps encore, évoluer, l’une en Afrique, l’autre au Brésil, où, malgré de singulières modifications, elles garderaient assez de leur figure primitive pour faire douter de leur disparition réelle. Quoique plus vigoureux, mais aussi dénué de force expansive, l’espagnol subirait le même sort et son histoire se continuerait outre-mer, à travers les immensités de plus de la moitié d’un continent immense.

L’envahisseur, qui s’est d’abord attaqué à l’Allemagne, déjà enserrée par une conquête presque circulaire, y trouve une sérieuse résistance linguistique, mais sans profondeur, sans racines. La littérature presque toute de science ou de philosophie s’y renouvelait tous les dix ans, et les derniers siècles, depuis Nietzsche,