Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/35

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juste ce qu’il faut pour être, non pas même compris, mais deviné. La périphrase, telle que maniée par les poètes didactiques, n’est peut-être ridicule que par l’impuissance poétique dont elle témoigne, car il y a bien des manières agréables de ne pas nommer ce que l’on veut évoquer. Le véritable poète, maître de son langage, n’use que de périphrases si nouvelles à la fois et si claires dans leur pénombre que toute intelligence un peu sensuelle les préfère au mot trop absolu ; il ne veut ni décrire, ni piquer la curiosité, ni faire preuve d’érudition. Mais quoi qu’il fasse il écrit par périphrase et il n’est pas sûr que toutes celles qu’il a créées demeurent longtemps fraîches ; la périphrase est une métaphore : elle dure ce que durent les métaphores. A la vérité, il y a loin de la périphrase de Verlaine, vague et toute musicale,

  Parfois aussi le dard d’un insecte jaloux
  Inquiétait le col des belles sous les branches,

aux énigmes mythologiques d’un Lebrun, qui appelle le ver à soie :

 L’amant des feuilles de Thisbé !

Ici M. Albalat cite fort à propos les paroles de Buffon : que rien ne dégrade plus un écrivain que la peine qu’il se donne « pour expri-