Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

On pourrait essayer une psychologie historique de l’humanité en recherchant à quel degré de dissociation se trouvèrent, dans la suite des siècles, un certain nombre de ces vérités que les gens bien pensants s’accordent à qualifier de primordiales. Cette méthode devrait même être la base, et cette recherche le but même de l’histoire. Puisque tout dans l’homme se ramène à l’intelligence, tout dans l’histoire doit se ramener à la psychologie. Ce serait l’excuse des faits, de comporter une explication qui ne fût pas diplomatique ou stratégique. Quelle est l’association d’idées, ou la vérité non encore dissociée qui favorisa l’accomplissement de la mission que Jeanne d’Arc crut tenir du ciel ? Il faut, pour répondre, trouver des idées qui aient pu se joindre également dans les cerveaux français et dans les cerveaux anglais, ou une vérité alors incontestablement admise par toute la chrétienté. Jeanne d’Arc était considérée à la fois par ses amis et par ses ennemis comme en possession d’un pouvoir surnaturel. Pour les Anglais, c’est une sorcière très puissante ; l’opinion est unanime et les témoignages abondent. Mais pour ses partisans ? Sans doute une sorcière aussi, ou plutôt une magicienne. La magie n’était pas nécessairement diabolique. Des êtres surnaturels flottaient dans