Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/92

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les imaginations qui n’étaient ni des anges, ni des démons, mais des Puissances que pouvait se soumettre l’intelligence de l’homme. Le magicien était le bon sorcier : sans cela aurait-on taxé de magie un homme de la science et de la sainteté d’Albert le Grand ? Le soldat qui la suivait et le soldat qui combattait Jeanne d’Arc, sorcière ou magicienne, se faisaient d’elle, très probablement, une idée identique dans son obscurité redoutable. Mais si les Anglais criaient le nom de sorcière, les Français taisaient le nom de magicienne, peut-être pour la même cause qui protégea si longtemps, à travers de si merveilleuses aventures, l’usurpateur Ta-Kiang, comme cela est raconté dans l’admirable Dragon impérial de Judith Gautier.

Quelle idée, à telle époque, chaque classe de la société se faisait-elle du soldat ? N’y aurait-il pas dans la réponse à cette question tout un cours d’histoire ? En approchant de notre époque on se demanderait à quel moment se rejoignirent, dans le commun des esprits, l’idée d’honneur et l’idée de militaire ? Est-ce une survivance de la conception aristocratique de l’armée ? L’association s’est-elle formée à la suite des événements d’il y a trente ans, lorsque le peuple prit le parti d’exalter le soldat pour s’encourager soi-même ?