Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais non seulement le mysticisme, la religion elle-même, nous est-il affirmé, s’est séparée de l’Église. L’homme le plus hautement religieux de notre temps, Tolstoï, est hérétique à toutes les confessions. M. Charbonnel a expliqué cela, en analysant une doctrine à laquelle il reconnaît « la grandeur et aussi le caractère absolu de l’héroïsme. » Il a bien fallu admettre, puisque Tolstoï est chrétien, qu’il y a un christianisme essentiel hostile à la religion, de même que la religion lui est hostile ; et il a bien fallu mesurer les deux tendances et chercher laquelle se rapproche le plus des origines évangéliques. Beaucoup d’esprits se sont inquiétés d’un tel problème et il s’est trouvé à la fois parmi les catholiques et parmi les protestants des hommes prêts à provoquer non une réforme des dogmes, mais une réforme dans la manière d’interpréter les dogmes. M. Sabatier créa le nouveau symbolisme religieux dont la science de M. l’abbé Duchesne avait posé les premiers principes.

C’est là le point de contact entre les deux mysticismes, entre la religion et la littérature : tout se rejoint parfaitement dans l’idéalisme, qui aura vaincu le jour où il aura pleinement résorbé la morale.