Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/120

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Elle est encore libre. M. Charbonnel veut la sauver. Évangélique ou naturelle, il lui offre l’abri de la conscience ; il la veut intérieure et non extérieure à l’homme. Ensuite pour protéger sous un même toit les deux sœurs, il édifiera un temple vaste, religieux et solennel. On en trouvera les premières pierres dans l’ouvrage qu’il vient d’achever, la Volonté de vivre.

« Notre vie n’est rien, si elle n’est pas vraiment notre vie. » L’originalité de la vie est aussi nécessaire et plus belle encore que toutes les autres originalités. Il faut être différent des autres êtres ; par l’âme, comme on est différent par les apparences corporelles, « craindre que l’habitude, la routine, ne dominent notre conduite, prolongeant en nous l’envahissement d’une vitalité étrangère ». Les grands tyrans à craindre, ce sont les mots ; il y a là une page remarquable :

« Qui dira jamais le pouvoir des mots sur la vie ? Ils mènent l’humanité et parfois les plus libres consciences. Les mots de devoir, de vertu, d’honneur, de dignité, de liberté, de dévouement, exaltant la volonté jusqu’aux résolutions aveugles et jusqu’à l’héroïsme. Nous vivons de mots, je crois. Or, la force qu’ils semblent avoir, d’où leur vient-