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pas le sentiment », si, en faisant œuvre de vie, nous faisons œuvre de beauté, « cette beauté, ce n’est pas nous qui l’avons conçue ».

« Or, et le thème reprend, notre vie n’est rien si elle n’est pas vraiment notre vie. »

C’est en nous-mêmes que nous en devons chercher le principe. De l’extérieur il ne peut guère nous venir que la science, mais « c’est un peu le mal du temps d’avoir compté sur l’action du savoir plus que sur l’énergie spontanée ». Ibsen, sur ce point, s’accorde avec l’auteur de l’Imitation, qui rejette les versets des prophètes et ne veut ouvrir l’oreille qu’au verbe suprême. Ce verbe, il suffit peut-être de se taire et on l’entend. Pour converser avec l’infini, il ne faut que de la bonne volonté, du silence et une âme. L’âme est le seul principe d’égalité entre les hommes ; c’est ce bien commun à tous, mystérieux et sûr, qui est la grande richesse, le grand jardin dont la culture est, pour tous, rémunératrice et significative.

Cependant, l’énergie acquise, il faut sortir du jardin pour exercer son énergie. Selon quel principe ? Le principe du devoir, mais entendu comme Emerson : « Ce que je dois faire, c’est ce qui concerne ma personnalité et non ce que les gens