Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/133

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des années dans une idée et dans une œuvre unique, il est de ceux qui ont le souci de ne pas achever pour n’avoir pas la peine de recommencer. Les commencements épouvantent certaines intelligences : mais ce sont celles-là qui ont le sens de la continuité, ce qui est une grande vertu, c’est-à-dire une grande force. La patience de Flaubert est presque incompréhensible pour ceux qui vivent dans un océan d’idées dont les vagues battent ; mais l’agitation de Balzac déconcerte les esprits méthodiques.

M. Vallette est de l’école de Flaubert.

Observer la vie un peu de loin, sans prendre part au combat des intérêts, comme s’il s’agissait d’une autre race, c’est la première règle de l’écrivain réaliste ; il ne doit mettre aucune passion dans ses peintures. Flaubert l’observa fidèlement, car les aveux que l’on découvre sous ses phrases toujours oratoires sont la trace que l’inconscient laisse dans une œuvre profondément pensée ; il y a aussi, en l’unique roman de M. Vallette, des marques personnelles, çà et là, de ces empreintes qui prouvent à Robinson qu’un homme a passé par là, mais le Vierge n’en est pas moins un des romans les plus objectifs que l’on puisse citer, un de ceux qui