Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/160

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tout émus par l’unique idée qui est leur vie, nous rend mieux que des chroniques ou des annales. Que savons-nous de la conquête de l’Égypte par les Romains qui soit plus vrai qu’Antoine et Cléopâtre ? Le drame historique ne doit pas être dédaigné : il est seulement fâcheux que notre goût absurde d’une mise en scène réaliste le réduise de plus en plus aux trahisons de la lecture. Je crois d’ailleurs que M. Mazel considère ses premiers drames comme des études plutôt que comme des pièces de théâtre ; il ne les avait que peu destinés au plaisir des foules ; il les composa en manière d’exercices pour coordonner les divers éléments d’un talent scénique. Au théâtre, on s’adresse à la fois à un seul et à tous, à un homme et à une foule ; il faut être poète et tribun, artiste et logicien ; mettre en action une idée, mais que l’action se puisse comprendre au vu de son mouvement propre. Un art si complexe demande un apprentissage et veut aussi la plus longue patience. M. Henri Mazel est arrivé à l’heure où l’effort se réalise, et si, en des drames donnés comme des essais, il a pu émouvoir le lecteur du coin du feu, c’est sans doute que le théâtre est son destin.

Il n’a point réussi moins bien, dans un ordre