Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/197

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sont : bleu, blanc, rose, vermillon, rouge, bleu. Je suis arrêté par les mots : mon enfant, la grammaire instrumentale étant muette sur la couleur des nasales, qui sont pourtant des voyelles. L’accompagnement le long de ces cinq couleurs pourrait être de violon, harpe, etc. Le mot lumière se traduit par de l’or mêlé de blanc et de bleu, ce qui est assez heureux.

Mais je ne veux pas insister sur une méthode à laquelle je ne crois pas et qui a été si dangereuse pour le seul poète qui y ait cru réellement, M. René Ghil, lui-même. Ses vers ont heureusement une valeur que la fantaisie instrumentale a diminuée sans l’effacer complètement. Le jour où le poète du Dire du Mieux oublierait que les voyelles sont colorées et que les consonnes sonnent comme des cors ou des violes, nous aurions un barde un peu rude et un peu lourd, mais capable peut-être d’épopées, sûrement de larges et profonds lyrismes.

Telle qu’elle est, l’œuvre de M. Ghil chante avec force la vie, la terre, les usines, les villes, les labours, la fécondité des ventres et des glèbes. Il est obscur, volontairement ; il est brutal, quelquefois avec grandeur. Quand le sujet de son poème