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JEHAN RICTUS


Du temps que M. Gabriel Randon sculptait la Dame de Proue d’une nef qui n’a pas encore vu la mer, nul ne prévoyait que, nouveau Bruant, il dût lancer aux foules troublées les apostrophes argotiques, violentes et goguenardes qui ont fait à Jehan Rictus la réputation singulière d’un poète du pavé et d’un déclamateur du tréteau. Il y a des vocations soudaines et des aiguillages imprévus. M. Randon avait été l’une des voix de l’anarchisme littéraire, au temps où de futurs académiciens démolissaient (très peu) la Société au moyen de phrases élégantes et de sarcasmes spirituels. C’est à lui, je crois, qu’on doit le mot fameux : « Il n’y a pas d’innocent », mot terrible et digne d’un pro-