Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/221

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phète plus biblique, opinion grave qui nous mettait plus bas que la ville maudite d’où Loth ne devait sortir, il est vrai, que pour donner un exemple fâcheux aux familles futures. Enfin, les poètes ayant réintégré leur campement, aux sources de l’Hippocrène, on s’aperçut de la disparition de celui qui taillait, avec un soin délicieux, la proue vierge d’un navire en partance pour les Atlantides : peu de temps après, nous fûmes informés de la naissance de Jehan Rictus et des Soliloques du Pauvre.

Il y avait une rumeur du côté de Montmartre : quelque chose de nouveau surgissait d’entre la foule des diseurs de gaudrioles et de bonne aventure ; quelqu’un, pour la première fois, faisait parler, avec un abandon original et capricieux, le Pauvre des grandes villes, le trimardeur parisien, le loqueteux en qui il reste du bohème, le vagabond qui n’a pas perdu tout sentimentalisme, le rôdeur en qui il y a du poète, le misérable capable encore d’ironie, le déchu dont la colère s’évapore en malédictions blagueuses, dont la haine recule si


L’espoir luit comme un brin de paille dans l’étable,


dont l’amertume n’est que du désir ranci, l’homme