Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/234

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de petites impressions tendres, à propos de choses mystérieuses et vagues, d’une nature malade, évanouie, de femmes muettes qui passaient parfumées de douceur, de petites filles sages et déjà tristes, d’une enfance frêle et peureuse, des vers écrits dans la Chambre Blanche, des vers pour Monelle, peut-être… Le poète s’est refait tout petit enfant, jusqu’au conte de fées, jusqu’à la berceuse ; mais l’intérêt est précisément dans le spectacle de cette métamorphose ; et, à voir comment le jeune homme revit son enfance, on devine comment l’homme revivra sa jeunesse. Il y a toujours un oiseau bleu qui est parti et qui ne reviendra plus ; hier est toujours le paradis perdu, et dans vingt ans M. Bataille songera encore :


Oiseau bleu, couleur du temps,
Me connais-tu ? fais-moi signe : —
La nuit nous donne des airs sanglotants,
Et la lune te fait blanc comme les cygnes…

Oiseau bleu, couleur du temps,
Dis, reconnais-tu la servante
Qui tous les matins ouvrait
La fenêtre et le volet
De la vieille tour branlante ?…