Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/240

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joie ne te paraisse pas puérile !… je t’en supplie… Ta vie ! pense à cela… la vie de ta chair, à défaut de ton âme… Ce sang m’apporte un peu de ton éternité… oui de ton passé, de ton présent, de ton avenir, et c’est comme s’il accourait à moi du fond de ta plus lointaine et mystérieuse enfance… »


Il n’y a peut-être pas là une seule métaphore qui n’ait été lue dans les effusions attribuées d’ordinaire aux amants ; il semble pourtant qu’on les lise pour la première fois, car c’est la première fois qu’elles sont justes. Cependant le style de Ton sang n’est pas toujours assez pur, et trop parfois de vraie conversation, sous prétexte de « théâtre ». Le prétexte n’est pas valable.

Les deux tragédies se rejoignent par cette idée que le sang de la femme, pur ou impur, haine ou amour, est une malédiction pour l’homme. L’amour est une joie empoisonnée ; la fatalité veut que ce qui est le suprême bien de l’homme soit la source de ses plus cruels tourments, que le fleuve où il boit la vie soit le même où il boit la douleur et la mort.

C’est, du moins, l’impression que j’ai retirée de cette lecture, mais, comme dit M. Bataille dans sa