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Mais où sont les jardins d’Armide ? Les conquérants de son rêve (avril 1890) qui devaient venir le délivrer et remporter


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .vers les îles
Qui parfument les mers de fruits mûrs et d’aromates
Et fleurissent au loin l’eau des golfes tranquilles,


les conquérants furent les anges de la nuit et nous ne savons rien de plus.

Ces vers, les derniers écrits par Mikhaël, peu de semaines, ou de jours, avant sa fin, ont un intérêt presque testamentaire. S’il faut les prendre pour autre chose qu’un thème, qu’un canevas où la broderie n’est qu’indiquée, si, alors, ils étaient, dans son esprit, définitifs, ils marquent le premier pas d’une évolution du poète vers le vers libre, — ou vers un certain vers libre, celui qui conservant les allures des rythmes traditionnels, se libère néanmoins de la tyrannie de la rime romantique et de la superstition du nombre constant. L’intention de faire des vers d’une forme nouvelle me paraît évidente dans ce morceau unique ; les assonances, heureuses et non de hasard, en témoignent : pourpres-sourdre ; terribles-marines ; thyrse-triste ; plages-aromates, — et, comme Mikhaël connais-