Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/291

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il comprend à l’inverse du savant. Le comment des choses ne l’inquiète pas ; il en cherche le pourquoi, et il le trouve toujours, toujours satisfait par l’explication la plus simple, l’éternelle explication dont le croyant se contente : Dieu l’a voulu ainsi.

On dirait qu’il se contente de peu, mais c’est une apparence : il ne se contente que de l’infini. À chaque pas, à chaque coup d’aviron, à chaque pont, à chaque gué, il a besoin de l’infini, Christophe qui, pour traverser le torrent tumultueux, a besoin d’un bâton lourd et haut comme un chêne. Sans ce bâton le croyant tombe et s’évanouit : Hello manie le sien avec certitude et avec délectation. Selon les circonstances de la route il en fait un épieu, une perche, une passerelle, un rempart ; dans les menues branches il taille des flèches ; les ramilles lui servent de verges : il a du plaisir à fustiger le monde avec les verges de l’infini.

Le croyant n’est pas le voyant. Le voyant ne se trompe jamais humainement sur l’essence des âmes ou des intelligences ; son regard pénètre les écorces et les carapaces et porte jusqu’au milieu des secrets une lumière pareille à ces lampes par