Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/292

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quoi on éclaire subitement les cavernes et les abîmes. Le regard du croyant et sa lampe s’arrêtent à la porte ou à la surface : il n’ose ni enfoncer les portes, ni briser les surfaces ; il est prudent ; sa lumière s’appelle la Foi : il a peur de la diminuer, car il sait que la diminuer, c’est la perdre. Il rôde autour du mystère comme le loup autour du troupeau, et il croit avoir compté les brebis parce qu’il a fait le tour du troupeau pendant une nuit sans lune. Hello n’entre jamais au cœur des problèmes, ces troupeaux d’idées ; il les cerne, il les ceint d’un cercle d’où il leur défend de sortir, puis il leur parle ; ses discours sont uniformes : problème, tu es simple, trop simple pour que je m’attarde autour de toi, si simple que tu n’existes pas. Troupeau d’idées réunies là sous un berger de hasard pour brouter l’herbe de l’erreur, tu es mon prisonnier, parce que j’ai dessiné un cercle autour de ton pâturage et parce que tu pâtures l’herbe de l’erreur. Regarde-moi, du fond de ta prison circulaire, vois comme les étincelles jaillissent quand mes pieds foulent l’herbe de la vérité ; et toutes ces étincelles, vois comme elles se rejoignent en longues et douces flammes : alors je les moissonne, je les engerbe, je les emporte sur mes