Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/84

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et les Jeunes Filles s’avancent, fleurs en robes de mousseline :

Fleurs au sol attachées
Dans les gazons et les ruisseaux natals cachées,
Fleurs de tiges jamais tachées,
Nulle haleine que du soleil ne s’est sur nous jamais penchée ;
Fleurs sur le sein maternel couchées,
Nous fleurissons dans les feuillées et les jonchées ;
Quelques-unes avant l’heure se sont séchées,
Avant l’heure quelques-unes ont été tranchées ;
Nous avons des pitiés pour les fleurs que l’aurore a fauchées ;
Puisse le sol nourricier nous garder attachées !


Mais, en même temps, elles prévoient sans effroi que le jardinier va venir :


Vers le midi le jardinier viendra cueillir nos têtes prêtes,
Le jardinier aux yeux de joie, aux pas de fête,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Il brisera sous le soleil les robes de nos corolles muettes,
Et nous prendra vers le midi toutes défaites.


Après la résignation, le cri de joie :


Oh ! que douces seront les blessures
Dont il ouvrira nos tiges pures !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Oh ! la délicieuse morsure,
L’arrachement de l’âme et la sûre
Jubilation de notre torture
Au jour de la divine meurtrissure !